Cupidon a rangé son arc et ses flèches.

Dire que je suis au mieux de ma forme est un grand mot mais je sais aussi parfaitement que si je reste chez moi dans cet état, je ne vais jamais redevenir celle que j'étais ! Alors, pour oublier tout ça, ces "souvenirs", cet homme et ces mots, je décide d'aller au bar pour danser, comme à mon habitude.

Je suis seule sur cette scène cette fois et je ne sais pas pourquoi, je me remets à penser à certaines personnes, deux pour être précise. Quel spectacle n'ont-ils pas donné aux habitués... C'est alors que je le vois. Il est là, dans un coin, seul. Je l'avais déjà vu auparavant mais je dois dire que jamais je ne m'étais intéressée à lui. La raison ? Trop "effacé" à mon goût. Pourtant, aujourd'hui, il me plaît et me donne envie de l'aborder. Alors je descends de scène et m'approche de lui tout en dansant, ondulant mes hanches comme je sais le faire. Malheureusement, il reste de marbre, comme si je ne lui faisais rien. Mais je sais ce que je vaux ! Alors je recommence, me frotte à lui sous les regards envieux des autres clients mais rien, toujours pas de mouvements de sa part.

Il reste là, concentré sur son verre sans me regarder ce qui déclenche en moi une vague d'énervement. Je frotte ma joue à sa joue, sentant sa douceur... sa chaleur... Sa peau est si douce... Mais je n'ai pas le temps d'en sentir toutes les effluves qu'il chasse ma tête d'un geste vague de sa main. Et il ne me regarde toujours pas en plus... ?!

Je m'arrête alors dans ma danse pour arrêter mon regard sur lui. Il fait sensiblement plus jeune que moi en apparence et encore, peut-être avons-nous physiquement le même âge ? Je sais qu'il est plus vieux que moi, je le sens. Ne me demandez pas comment je le sais, je le sais, voilà tout. Je me rends compte alors qu'il n'est pas comme les autres, qu'il semble avoir un petit quelque chose qui me donne envie d'en avoir plus. Oui, c'est décidé, c'est lui que je veux en nouveau jouet !

Il ressemble à Junsu par son côté vestimentaire à s'habiller sobrement mais de ce que j'en perçois niveau caractère, ils sont complètement différents. Après tout, c'est ce que je recherche chez les hommes, de nouveaux horizons, de nouvelles ouvertures sur le monde et surtout, de nouvelles rencontres... C'est pour ça que je l'accoste ainsi, c'est pour cette raison que j'attrape son visage entre mes mains et c'est pour ça que je ne lui laisse pas le temps de faire quoique ce soit et que je l'embrasse sans ménagement pour goûter à la saveur de ses lèvres qui ne me quittera plus jamais...

- Mais ça va pas la tête !?!

C’est presque brutalement que je repousse cette danseuse qui vient s’inviter dans ma soirée d’ivrogne solitaire. D’un revers de manche, je m’essuie la bouche comme pour chasser de mes lèvres toute trace de ce baiser qu’elle vient de m’imposer. Mon regard trahit ma fureur et je crois que si j’en avais le pouvoir, il aurait suffi à la tuer sur place. Elle me jette un regard étonné.

- Ce n'est qu'un baiser, pas de quoi s'énerver...

Je désigne alors la scène d’un signe de tête.

- Retourne agiter ton cul pour les autres, ça ne m’intéresse pas.

Elle ne doit pas avoir l’habitude qu’on refuse ses avances, encore moins dans un endroit comme celui-ci. Pourtant je dis la vérité. Les plaisirs de la chair ne m’intéressent pas, ne m’intéressent plus. Je n’en retire aucun plaisir. Il parait que c’est à cause de ma dépression. C’est elle que j’essaie de noyer dans les verres d’alcools forts qui s’alignent devant moi. C’est aussi à cause d’elle que je ne n’ai plus remis les pieds sur Gaïa depuis trois quarts de siècles et que je ne me vois plus confier aucune mission. J’ai déjà détourné mon attention de la danseuse pour vider le verre que j’ai à la main et en redemander un autre au barman d’un simple regard. Malheureusement il semblerait que je sois tombé sur le pire des pots de colle quand je l’entends ajouter.

- Mais ce n'est pas pour les autres que j'ai envie de l'agiter et...

Elle s'approche de moi pour me souffler le reste à l’oreille.

- Si je le fais c'est simplement pour me payer le loyer...

Mais qu’est-ce que j’en ai à faire moi de son loyer ! Je soupire ostensiblement, les mâchoires crispées.

- Tu peux pas me foutre la paix non ?

Visiblement non… voilà qu’elle s’arrange pour se planter devant moi, me poussant presque du bar pour rester dans mon champ de vision.

- Pourquoi ? Tu n'aimes pas la compagnie des femmes ?

J’aurais presqu’envie de lui arracher son petit sourire. Mais je me contiens. Je ne suis pas un violent, ce n’est pas ce soir que je vais commencer. Je la prends alors fermement par les épaules pour l’obliger à pivoter et la pousse dans la direction opposée.

- Je t’ai dit que je n’étais pas intéressé. C’est assez clair non. Alors maintenant vas voir ailleurs si j’y suis.

Pas vraiment décidée à abandonner la partie, elle se retourne brusquement vers moi.

- Pourquoi détestes-tu tant les femmes ?

L’impression que je n’arriverai pas à m’en débarrasser aussi facilement. Résigné, je me laisse glisser de mon tabouret pour lui attraper le bras et l’entrainer d’un pas décidé vers les toilettes. Une fois à l’intérieur, je baisse son pantalon de cuir sans un mot avant de la faire se pencher devant moi, en appui sur les lavabos. J’ouvre ma braguette sans prendre la peine de nous déshabiller davantage et la pénètre sans autre forme de procès. Le moins qu’on puisse dire est qu’elle est du genre démonstrative, à l’opposé total de moi. Tandis qu’elle gémit sans retenue à chacun de mes coups de reins, témoignant d’un plaisir évident, je reste de marbre, indifférent. Je ne ressens rien, pas la moindre excitation ou le simple écho d’un plaisir quelconque. Je me contente de me vider en elle comme je soulagerais une envie d’uriner. Je me retire alors immédiatement pour refermer mon pantalon en déclarant d’un ton neutre.

- T’as eu ce que tu voulais, maintenant fous-moi la paix.

Et sans lui laisser le temps de répondre, j’ouvre vivement la porte pour sortir non pas dans le bar mais dans mon salon, espérant y trouver la tranquillité qu’elle m’a empêché de goûter ce soir.