Luka ou Loki, l'antithèse aux Angels et Demons

« Who Am I ? »

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Ambiance

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« How Am I ? »

Je continue de jouer, guettant le toit cette fois, attendant de le voir revenir. J’essaie de me raisonner, de me persuader que j’ai rêvé. Mais malgré le froid, je joue. C’est alors que je perçois un mouvement sur ma gauche, du coin de l’œil, à la limite de mon champ de vision. Je me retourne lentement pour le voir perché en équilibre sur la balustrade en fer forgé. Cette fois je ne m’arrête pas, de peur de le voir fuir à nouveau.

Il m’observe fixement, parfaitement immobile. Seul son long manteau noir flotte légèrement, bercé par la brise. Il est entièrement vêtu de noir, se fondant dans la nuit. Il se dégage de lui une aura sombre, presque inquiétante que seule son expression curieuse et attentive vient adoucir un peu. Il me semble voir son regard briller, comme celui d’un chat alors que les lumières de mon appartement s’y reflètent.

Sans cesser de jouer, je l’observe avec un mélange de crainte et de fascination. C’est à peine si j’ose respirer alors qu’il me regarde jouer, imperturbable. Il me fait penser à un oiseau de proie, un aigle farouche qui s’apprêterait à fondre sur un petit animal sans défense. J’en suis sure à présent, c’est ma musique qui l’a attiré sans que je puisse expliquer pourquoi. Alors tout en laissant mon archet courir sur les cordes, je fais lentement un pas en arrière sans trop vraiment savoir si j’attends qu’il me suive ou si je cherche à fuir.

« How I Became Me ? »

Pourquoi arrête-t-elle de jouer comme ça, par moment, alors que je sais que l'envolée suivante sera plus enlevée, plus appuyée que la précédente ? Pourquoi coupe-t-elle en plein élan la libération des notes ? Mais, surtout, comme fait-elle pour, en reprendre, réussir à garder cette fraicheur, alliée à une gravité, aussi paradoxales que complémentaires dans son jeu ?

C'est pour chercher cette réponse que je l'observe, mes yeux parcourant son violon, ses traits, sa posture ainsi que ses yeux pour tenter de percer le mystère. Je vois la crainte que je lui inspire lorsqu'elle croise mon regard. Elle sent la peur mais c'est ténu, à côté de la curiosité dont elle fait preuve, l'instar de la mienne. Elle frissonne dans le froid, pourtant, elle reste là, jouant face à moi, alors que la chaleur de son salon est à quelques pas.

Voilà, elle recule, lentement, sans jamais s'arrêter de jouer, sans qu'une erreur ne vienne gâcher mon plaisir à l'écouter. Pas après pas, la lumière du salon l'enrobe comme une aura. La sonorité qui s'échappe des cordes se modifie de manière à peine perceptible pour son oreille humaine mais bien distincte pour moi. L'écho qui se perdait dans l'immensité du ciel est maintenant contenu dans l'acoustique de la pièce. Seulement, je perds de cette qualité de son que j'ai acquise à son approche, à cette clarté de chaque frappé de l'archet sur les cordes.

Alors, je me rapproche, descendant de cette balustrade sur laquelle je me suis perché. Mes pieds heurtent souplement la pierre du sol, sans qu'un bruit ne puisse être perçu. Les plantes autour de moi ne frémissent qu'à peine plus de mon mouvement que de la brise, mon long manteau s'enroulant autour de moi, alourdi par le poids des armes qui y sont masquées avec soin.

Mes pupilles se rétractent plus rapidement que celles d'aucune autre créature, m'évitant d'être ébloui par la soudaine luminosité de son appartement après tant de temps passé dans le ciel nocturne. Et pas à un seul instant, elles ne les ont quittés, elle et son instrument, guettant cette réponse que je ne parviens pas à avoir mais que je continue d'espérer.

Au milieu de son salon, alors que j'ai fait deux pas à l'intérieur, elle s'immobilise, continuant de jouer. Si la sonorité est bien meilleure ici, en revanche, je pouvais l'observer plus facilement lorsque je pouvais me percher tout autour d'elle, ce qui n'est plus le cas ici. A l'instar d'un fauve ne voulant pas quitter sa proie des yeux, mon pied gauche passe devant le droit en un pas glissé, latéral, commençant une volte avec elle pour centre.

Si le parfum de sa peur, léger, quelque peu enivrant pour un prédateur pour moi, flotte toujours autour d'elle, elle reste pourtant immobile alors que je continue mon manège. Lorsque je suis dans son champ de vision, elle me suit du regard, rien de plus. Si elle est un minimum effrayée, le son de son violon ne s'en voit pas modifié, pas plus que par sa curiosité, correspondant à la perfection d'émotions que je ne ressens pas mais observe depuis la naissance d'une nouvelle ère des mondes et qu'elle exprime par sa musique.

Je ralentis mon manège, raccourcissant petit à petit le diamètre du cercle, cherchant à sentir, gouter, entendre, voir, peut-être toucher cette différence que je perçois sans parvenir à l'identifier malgré mes sens hors du commun. Son cœur s'emballe, je l'entends taper dans sa poitrine comme un oisillon cherchant à briser la coque de sa cage thoracique alors que le sang afflue crescendo dans ses vaisseaux, répondant à l'affolement de sa pompe. Pourtant, son violon ne tremble pas, pas plus que la mélodie.

Je sens le mouvement d'air dans l'espace de plus en plus étroit entre nous. Je respire la rose perçue à l'approche de son appartement, ce parfum émanant non seulement du soli-flore posé sur un guéridon à côté mais de sa peau qui semble en être imprégnée, exhalant plus encore avec son émotion, parvenant presque à masquer l'odeur de sa peur. Si seulement quelques centimètres nous séparent, juste assez pour ne pas gêner ses mouvements, entraver la musique. Elle semble guetter quelque chose chez moi aussi, sans que je ne comprenne de quoi il s'agit. Peut-être contient-elle seulement avec brio sa peur ? D'ailleurs, pourquoi continuer à jouer pour m'attirer alors que je l'effraie ? Et pourquoi m'amener à entrer en sa demeure sachant cela ?

Je m'immobilise face à elle, m'inclinant partiellement pour observer son visage, la tête penchée légèrement sur le côté, avant de capter son regard, pour tenter d'y lire ses impressions réelles, cette peur qu'elle masquerait avec un brio hors normes. C'est immobile comme une statue que je reste là, planté, les yeux ayant abandonnés son instrument pour s'attarder sur leur musicienne. Je sais qu'il n'y a aucune magie dans le premier, mais alors, et chez le second ?

« All About Me »

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